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En "Résonance"
Biennale de Lyon
Jean-Christophe De Clercq
"Conversations"
 

Danièle Gibrat
Danièle Gibrat
Danièle Gibrat

 "Les ateliers de Danièle Gibrat "

Du 14 janvier au 19 février 2012, le centre d’art contemporain APONIA présente le travail à l’œuvre de Danièle Gibrat. Par ses arbitrages et ses réinvestissements du monologue triangulaire œuvre-artiste-atelier, ce travail se constitue depuis l’atelier jusqu’à sa présentation par sa plasticité.Il tient aux multiples formes de ce diagramme que cette présentation ait lieu comme s’il s’agissait d’une œuvre autonome : l’artiste a en effet prévu de faire (re)parler son propre atelier dans le centre d’art. Aucune œuvre exportée de l’atelier ne sera donc séparée de son contexte d’origine, de même qu’on convient que toutes les œuvres ne forment pas une production unique mais qu’elles peuvent en toutes circonstances être un projet fondateur. Pour ce programme, l’artiste réactive de toutes les façons possibles les sommets d’une géométrie sensorielle aussi symbolique que mystérieuse. Ces culminations sont maillées de référencements et de distances à partir desquels l’exposition met à la fois en cause un fil continu et un travail supposé être en cours. Il revient en quelque sorte au spectateur de faire son exposition personnelle de ce que Danièle Gibrat lui offre à voir. D’une tout autre manière, l’artiste recrée aussi une œuvre à part, voire, fait du site même d’Aponia une forme en creux de son atelier. Le travail de Danièle Gibrat apparaît comme une suite de parcours. L’artiste, en vaquant en même temps à diverses sortes de travaux, initie des formes comme on initie des chemins, comme on multiplie des croisements, comme on inverse des directions pour dire qu’on retourne un moment sur ses pas, comme pour donner le sentiment de sauter arbitrairement des obstacles et multiplier les sources d’évocations. Danièle Gibrat a fait du dessin au stylo-bille un style visuel en déplaçant le dessin vers la rature et la gravure, vers la rayure et la biffure. Mais elle le fait aussi  pour forcer des soulignements et mieux forger la part narrative du réalisme. L’atelier perd ses limites, s’étend en marges dans toutes les directions, il n’y a plus que des espaces à partir desquels le travail peut évoluer de façon imprévisible, et surprendre même son auteur. On pourrait encore définir la créativité artistique de Danièle Gibrat par une succession d’activités déviantes sur les sujets, leurs images et leur réception. Du reste, dès les premières rencontres, elle-même annonce ses propres questions et divers sujets qui la tracassent mais qui énoncent pèle mêle sur les travaux en cours des recherches hasardeuses et des propositions évolutives. Insatisfaction d’une production qui travaille son auteur autant qu'elle oblige le spectateur à travailler sur son regard. Danièle Gibrat semble ne pas peindre ou créer sans son atelier, disons même qu’elle y installe ses œuvres sur les murs et sur le sol plus qu'elle les dispose. Pour l’avoir remarqué à deux moments distincts, j’observe que ce travail s’effectue visiblement dans la durée, comme si l’artiste ne parvenait pas à s’en défaire, comme si l’idée de le faire évoluer pouvait se confondre avec celui de l’entreprendre et peut-être, in fine, de le conclure. Dans ce mouvement d’appropriation, les œuvres semblent changer métaphoriquement de date de création pour entrer en rémanence et rejoindre une histoire dont certains éléments lui sont à l’évidence intimes. Ainsi, qu’elles soient récentes ou un peu datées, les productions sont mises en résonances, les unes par rapport aux autres, se reproduisent comme un acteur cherche à incarner son texte : « A me relire, je comprends que je viens d’aligner tous les mots qui nomment mon travail depuis longtemps : secret, dessin, dessein, deviner, surgir, vice versa, apparition comme la perspective suggère des lointains, qui, eux-mêmes forment des contrées aussi floues et indéchiffrables que sujettes à des interprétations subjectives, on entrevoit que les formes et les compositions plastiques de Danièle Gibrat s’épaississent et s’allègent naturellement, comme des nuages.Les œuvres apparaissent simultanément conçues comme des documents photographiques et graphiques, comme des assemblages multiformes, comme des sculptures, comme des dessins, et comme des répliques. Mon regard suit une perspective conceptuelle proche de ce qu’a pu imaginer l’artiste Joseph Kosuth à propos d’une chaise. Je remarque également des traces d’art brut, de gestes d’ « Action painting », des graffitis nerveusement griffés en tourbillons à même l’image quand ce n’est pas la simple reprise graphique d’éléments visibles. Danièle Gibrat laisse percevoir une plasticité visuelle complexe : combinaison de vues aussi bien environnementales -au sens large- que de projets d’expressions visuelles- au sens large, encore, déphasages programmés pour devenir plus expressifs que naturels, ou plus humains que mécaniques. Les photographies, en reproduisant des fragments de l’atelier avec la peau du lieu où subsistent les témoignages d’installations précédentes donnent aux dessins qui les troublent des allures détachées. Chaque œuvre, en s’étendant verticalement, parfois jusqu’au sol, selon une cartographie allusive et poétique, déploie aussi des thématiques entre Surréalisme et Arte Povera, divaguant entre pratiques purement formelles et suggestion spirituelle. Ces pratiques d’instauration et d’installations qui entremêlent des principes d’expressions élémentaires et des relectures d’œuvres aimées sont toutes chargées d’une sensibilité littéraire et poétique dont l’art plastique de Danièle Gibrat s’approprie généreusement.L’iconicité des œuvres s’épaissit comme un metteur en scène fourbit ses pièces de strates en deux, trois ou quatre dimensions. Un relief évolue vers une architecture : ce qui fait sens d’une image globale fait aussi sens d’un aperçu paradoxal parce que, semble-il, en constante redéfinition.Sur une photographie verticale à taille humaine, on peut voir la silhouette retournée d’un tronc élagué avec, dessiné à son éminence, un personnage debout, comme isolé (volontairement ?) sur une île et regardant loin, semble-t-il. N’était-ce l’analogie de la vue avec celle d’un corps, la composition pourrait évoquer une sorte de piquet fiché en terre surmontée par un guetteur, pure métonimie d’un individu juché au sommet du pieu pour jouer le rôle d’un œil. Mais il se trouve que par son geste du dessin, Danièle Gibrat conçoit aussi une mise en perspective, la partie élargie de la silhouette transcodant dans l’image une émergence et une plongée en profondeur de la même manière qu’un changement d’échelle renvoie plastiquement à un plan rapproché ou un point éloigné. Force d’un dispositif conçu pour produire dans l’atelier à la fois un immense paysage et la sensation d’un micromonde. Force d’une intention capable de mobiliser le temps d’une exposition la place d’un spectateur imaginé dans un lieu clos et dans l’avancement d’un travail impliquant d’autres mondes.Je remarque une installation faite d’un assemblage de feuilles blanches avec, pointant au-dessus, un tronc d’arbre inversé. Son centre est occupé par un trou en forme de croix grecque. En lieu et place d’une hypothétique partie supérieure de ce motif, qu’on sait sans caractéristique particulière, la flèche du tronc fiche vers le sol une tête fictive.N’était ce l’impact du vide évocateur, je constate que cette silhouette est surreprésentée par la reprise de son contour et la suggestion d’une épaisseur fictive dessinée au stylo-bille. Cette figure est-elle un creux ou est-ce un abîme ? Avec quelles œuvres passées ou présentes s’accorde l’onirisme de cette composition ?Et cette reprise du dessin de la croix griffonnée au stylo mais allusivement représentée comme un objet en volume, quelle écriture transgresse-t-elle ?Les activités créatrices de Danièle Gibrat déclinent une expérience affirmée de la plasticité, depuis les gestes les plus naturels jusqu’aux empreintes et aux reflets ou aux ombres les plus énigmatiques. Son travail s’échafaude comme la création de parcours, en suivis et en activités tantôt profondes et tantôt ludiques, toujours pratiques et esthétiques. Ne pas arrêter la mise en œuvre, faire œuvre, propager du cheminement imprécis dans le travail, voire propager expressément de l’œuvre indécise, sachant que l’atelier comme l’exposition constituent ensemble des moments créatifs interagissants, telle semble être l’approche artistique discrète mais opiniâtre de Danièle Gibrat.                                               

Alain Bouaziz, décembre 2011

APONIA
67, rue Saint Pierre
43150 Le Monastier sur Gazeille

06 20 49 36 90

Contact : aponia@wanadoo.fr
www.aponia.fr
 

Vendredi, samedi et dimanche de 15h à 18h (en Période d'exposition)
Sur RDV pour les groupes scolaires également les autres jours

L'église Saint Jean et le 67, rue Saint Pierre sont accessibles
aux personnes à mobilité réduite

Entrée libre et gratuite