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En "Résonance"
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Laurence Garnesson
Laurence Garnesson
Zones de glissement

Zones de glissement par Laurence Garnesson

La ligne est mince, presque invisible… on en vient presque à l’oublier. Elle est si peu de choses et pourtant elle est tout à la fois… quotidienne et éternelle… omniprésente. Cette obsession de la ligne… ou plutôt cette révélation… est l’ADN du travail de Laurence Garnesson… sa colonne vertébrale. Avec son exposition “Zones de glissement” présentée du 8 juin au 7 juillet 2024 chez Aponia, au Monastier-sur-Gazeille, l’artiste propose au visiteur un véritable retour à la ligne !

La ligne est autant dans la présence du trait que dans l’absence… dans l’épaisseur comme dans la substance… dans la stabilité comme dans le glissement. Elle se devine en négatif, dans l’espace ou dans le vide… dans la lumière comme dans l’ombre. Elle est l’axe qui soutient tout ce qui nous entoure… notre geste, notre écriture, notre lecture et notre chant… jusqu’à notre horizon, ses constructions et ses infrastructures. La déambulation des corps, le cours de la vie, ne tiennent qu’à un fil sur lequel l’homme se déplace comme un funambule… en équilibre sur la ligne… droite ou sinueuse, continue ou discontinue… glissante.

On apprend très tôt que la ligne droite est le plus court chemin entre deux points. Pourtant, ce qui intéresse l’artiste n’est pas ce raccourci mais plutôt comment la ligne se joue des contraintes, du relief, erre pour se frayer un chemin. Elle est comme une route ou une rivière qui s’écoule, se heurte, contourne, dérape et se reprend… inarrêtable. C’est l’écologie de la ligne qui possède une forme de détermination et en devient mémorielle… dans son existence comme dans son souvenir.

Esquisses, croquis, animations… le dessin sous-tend une recherche permanente de la ligne comme un rituel pour en faire surgir quelque chose de vivant. Le dessin est une source dont la ligne devient le jaillissement. Dans le contexte de l’église Saint-Jean-Baptiste du Monastier-sur-Gazeille, cette relation devient intime… l’expression d’un genius loci… là-même où s’écoule une source en sous-sol.  Laurence Garnesson a entrepris une forme d’archéologie de la ligne au sein du monument…à travers les différents plans et les déplacements… sur les traces des trois édifices successifs et des cinq plans… une généalogie du lieu et du temps. Elle propose en quelque sorte un sixième plan comme un sixième sens. Face au constat que le point de départ ne correspond jamais à celui d’arrivée, que l'itinéraire ne se boucle jamais complètement, que l’aller et le retour ne sont pas équivalents… elle a mis au jour les vestiges insoupçonnés de la ligne. Le visiteur, tel un bouchon de pêche sur l’onde d’un lac, dessine une ligne flottante dans l’espace… des zones de glissements intuitives auxquelles répond l’architecture. L’imperceptible devient perceptible quand il refait surface à travers les installations… jusque dans l’écho des pas de l’artiste… une ligne sonore invisible et pourtant sensible… voire multisensorielle.

Une ligne de couleur devient une illusion fantômatique lorsqu’elle change de position et de dimension dans le reflet d’un verre de sécurité… la transition entre verticalité et horizontalité, la réfraction, prend une forme d’apesanteur et de magie. L’attraction du retable polychrome du 17e siècle est contrebalancée et glisse vers d’autres perspectives et lignes de fuite dans une forme de théâtralité en mouvement. Le vaisseau de l'église se redresse en quelque sorte et stabilise le visiteur… un passager en état d’immersion. Le plan s’incline, se contorsionne, glisse… quand le bois soutient la pierre et conduit le regard vers le haut. On suit la ligne du doigt comme le temps d’une lecture. Elle prend forme et  la pente adoucit les arêtes des marches, lignes et interlignes, comme un accord majeur ! Quant aux céramiques, elles s’élèvent comme une ponctuation gracile, une note haut perchée, à l’équilibre précaire et vertigineux, qui résonne dans l’espace. Elles sont des promeneuses aux allures industrielles et intemporelles qui dialoguent avec l’architecture romane… en parfaite harmonie.

La fragilité tutoie une forme de résilience lorsque la céramique vient, comme une seconde peau, cicatriser les plaies du temps. A la manière du kintsugi, l'œuvre-oxymore vient souligner et sublimer les contours au lieu de les dissimuler ou de les effacer. Elle témoigne de la mobilité de la ligne et de l’architecture. Elle en devient le pansement et la mue. Les différents éléments de la composition et de l’installation ont un minimalisme éloquent, une sobriété précieuse et presque liturgique qui surgit par touche de orange comme un cri de joie.  

La ligne dessinée, modelée, décantée, statique ou mobile, matte ou brillante, peut se projeter… un rayon de lumière naturel ou artificiel qui tient à l’éphémère et à l’instant. Elle peut aussi s’animer et se visionner comme un cycle, comme une biologie microscopique ou un réseau macroscopique… elle s’invite partout où le regard se porte… jusque dans les chapelles latérales où la structure de bois s’étend et se déploie comme un corps gisant… aussi abstraite que figurative… anthropomorphique ! C’est une ligne de vie… à fleur de peau !

Anna Remuzon Avril 2024

en Images

APONIA
67, rue Saint Pierre
43150 Le Monastier sur Gazeille

06 20 49 36 90

Contact : aponia@wanadoo.fr
www.aponia.fr
 

Vendredi, samedi et dimanche de 15h à 18h (en Période d'exposition)
Sur RDV pour les groupes scolaires également les autres jours

L'église Saint Jean et le 67, rue Saint Pierre sont accessibles
aux personnes à mobilité réduite

Entrée libre et gratuite