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Amorce de la descente /Hélène Latte / Aponia / Alain-Christian Barret
Hélène Latte
Amorce de la descente

Qu’apprend-on d’une descente sinon l’élan qui nous y conduit, cette irrémédiable poussée de l’être vers sa propre révélation ?


Connue pour ses peintures à grande échelle constructivistes aux couleurs électrisantes, Hélène Latte explore la relation entre langage et abstraction en commençant souvent par des surfaces planes composées de gris colorés. Ses compositions évoquent des symboles pré-linguistiques dont les formes éphémères et les perspectives changeantes suggèrent à la fois le pouvoir et les limites du langage, et remettent finalement en question le canon moderniste de l'abstraction.

L’artiste se concentre sur la construction d’une écriture abstraite qui s’étend au-delà du cadre et de la forme.

Dans un premier temps, les peintures produites sont élaborées sur des logiciels simples où l’artiste peut pervertir, redimensionner, reconfigurer et réorienter ses trajectoires dans des figures qui déplacent l'équilibre du pouvoir et de la dépendance. Son oeuvre abstraite, hommage aux maîtres comme Josef Albers, Vassily Kandinsky et El Lissitzky fonctionne ici comme un moyen de contourner le monde , une descente ciblée vers la perception, où les formes sont des signifiants potentiels de leur vie antérieure en tant qu'objets, symboles, désormais dépouillés de leur chosité, sans devoir les nommer.

Dans ses oeuvres Hélène Latte renoue avec la longue tradition des descentes de croix, pensons à celle de Rogier van der Weyden qui fixa dans l’instant l’abandon d’un corps isolé dans l’espace et soutenu par ses proches. Ce déséquilibre du personnage provoque bien un non-sens, il évoque avec élégance le corps parfaitement maitrisé maintenu par un équilibre souple et gracieux, une chute qui n’aura pas lieu. Et c’est bien là le paradoxe qu’expriment certaines toiles de l’artiste, une tension entre la chute et le maintien dans l’espace, entre les manquements à la lumière et la grâce de l’élévation. Point d’appui d’un rebond, sa peinture offre aux formes la possibilité de s’élever vers un autre langage.
Loin du saut dans le vide d’Yves Klein, qui, en accomplissant son action, avait pour idée de vaincre la pesanteur, celle du corps, nous découvrons dans la peinture d’Hélène, la volonté d’un objectif augmenté où la stratégie de l’impact nécessite une trajectoire efficace, un but ultime. Face à ces peintures silencieuses, il est donc permis de sentir comme une invitation à transcender la fragilité de l’incertitude. Ici, il n’est pas question de défier les lois de la pesanteur, mais de réaliser des images en suspension, dans un instant entre l’envol et la chute, dans une action souveraine canonisant la composition.
Pour nous spectateur cette «descente» s’effectue d’évitement en évitement, d’arête salvatrice en angle inquiétant, de sphère amniotique en zone désertique, d’un lieu d’ancrage en repère fluide. Il n’est que de poursuivre la volonté de l’artiste, d’entamer un pas sur la trace du temps qui s’est écoulé entre sa production et sa réception actuelle.

Alain-Christian Barret, commissaire Novembre 2023

en Images

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