Du 08.03_13.04.25

Vernissage le 7 mars à partir de 18h

Elzevir ou l’altérité dans l’art

« Nous ne sommes nous qu'aux yeux des autres et c'est à partir du regard des autres que nous nous assumons comme nous-mêmes. »
J-P Sartre - L’Être et le Néant

L’exposition “Ressources humaines” d’Elzévir, invite à rompre cette habitude que nous avons de l’autre… cette humanité qui s’efface de notre paysage quotidien à mesure qu’on le pratique avec une forme d’indifférence. Trop pressé, trop timide, trop blasé, trop blessé, trop lassé, trop fatigué… trop égoïste ou trop virtuel peut-être… pour s’intéresser à cet autre plus qu’à soi-même et le faire exister. Que devient l’autre lorsqu’il sort de notre champ de vision et, a contrario, que devient-on en dehors du regard des autres ? Il y a l’apparition et la disparition de l’autre dans ce quotidien qui nous dévore et dans le temps qui passe inexorablement. Or c’est dans cette expérience sensible et “ralentie” de l’autre que se révèle toute la richesse et la beauté de ces humanités plurielles… unies et disparates… mais aussi de soi-même. Ce sont tous ces autres qui habitent notre solitude. Au sein de l’exposition comme dans la vie, nous ne sommes finalement qu’un parmi tant d'autres…

Vivre cette exposition, c’est accepter de faire un échange de perspective… de prendre du recul et se placer comme un observateur anonyme et silencieux… comme un photographe de rue ou comme l’artiste au moment d’esquisser une figure dans son carnet… de saisir l’instant vif et fugitif. C’est accepter de se conjuguer à la troisième personne et de s’effacer pour laisser place à l’autre comme protagoniste… le laisser devenir plus qu’un objet dans notre paysage… mais bien le sujet principal de toute notre attention.

Réenchanter le paysage quotidien et ceux qui le traversent comme les passagers d’un moment partagé… comme autant d’acteurs du théâtre social… qui se joue sous nos yeux à chaque instant sans même que nous en ayons conscience. Tutoyer ces ressources humaines… c’est se rendre compte de la valeur indispensable de chacun à l’équilibre individuel et collectif… comme les maillons d’une chaîne. L’artiste nous invite à prendre le temps d’observer, de faire un arrêt sur image… à la rencontre de cet autre, en dehors de soi-même… mais Ô combien révélateur. Il s’agit de faire preuve de bienveillance et d’empathie pour s’émouvoir de la présence de ces inconnus multiples… sans même savoir qui ils sont, d’où ils viennent ou où ils vont. Leur passé et leur avenir appartiennent à notre imaginaire et nous n’avons le souvenir que de l’instant présent… ensemble… dans une accumulation de points de vue.

Alors il n’est plus nécessaire de représenter ou d’identifier un lieu ou un espace… privé ou bien public. Il n’est pas plus nécessaire de connaître l’identité de ces figures… puisqu’il suffit de se reconnaître mutuellement. L’autre devient cette présence universelle et réconfortante… un potentiel alter ego. La simple figure colorée sur fond blanc traduit cet espace flottant et non-localisé. Il focalise le regard sur l’humain et sur la vie en mouvement. Le reste peut être vide, indéfini, tant qu’il y a l’essentiel. Seul le vêtement et quelques accessoires viennent habiller et individualiser le corps dans un geste ou une action grandeur nature… sans autre distraction pour le regard. Car l’autre n’est plus un anonyme, perdu dans la foule. Il est celui que l’on a choisi de représenter et de regarder maintenant. Cet instant, il ne l’aura peut-être pas retenu ou remarqué lui-même, mais l’artiste et tous les regards que l’on porte à ces œuvres… à ces ressources humaines… rendent l’ordinaire extraordinaire… et en soi, inoubliable.