Des images et un art oniriques,
Versus : fantastique,
hallucinatoire,
stupéfiant,
intime,
débordant,
bizarre,
nocturne,
confus…
Que cherche à nous montrer Cendres Lavy avec ses dessins érotiques aux titres éponymes, ses images bestiales où les limites humaines tombent, libérant des élans narcissiques primaires, jusqu’à réduire ou risquer notre nature première ? Faut-il se référer aux gargouilles surgissant des toitures et des combles ou à des graffitis d’alcôves ? Ses dessins « ex-posent » et risquent le fond littéraire ou esthétique de leurs thèmes.
Que souhaite Benjamin Bruneau à travers ses peintures à dormir debout, ses montages et ses dérives chromatiques aux référencements hors nature, ses effets visuels fantastiques et symboliques ? Débordant leurs cadres descriptifs, ses compositions là encore « ex-posent » leurs thèmes. À quoi tiennent ces « cirques » à la fois burlesques et fantastiques, faits de mondes sans histoire simple, ces rêves qu’anime son besoin de peindre ?
Plus qu’à d’autres pratiques artistiques peut-être, comme celles de l’art abstrait, de l’art conceptuel ou de l’art contextuel entre autres, la question d’un art spécifiquement onirique mérite sans cesse qu’on se pose ou qu’on renvoie aux artistes la question de la fin de leur art. De quel trouble si profond ou si singulier nourrissent-ils leurs stupeurs visuelles ? À quelle entreprise se livrent -ils ? De quoi nous occupent-ils ?
Les œuvres de Cendres Lavy comme celles de Benjamin Bruneau croisent aussi des influences qui, sous divers échos fantastiques renvoient aux hallucinations ou aux rêves de Jérôme Bosch ou Odilon Redon, Alexander Cozens ou Henri Michaux, Victor Hugo et Gustave Doré, Carl Caspar Friedrich et Max Ernst, Pierre Molinier ou Richard Hamilton, Antonin Artaud et André Masson… Chaque artiste maille à sa guise.
Leurs images posent prosaïquement des questions formelles, sachant que chacun centre ou focalise son travail visuel. Faut-il y voir un projet artistique pour le spirituel, au sens religieux du terme, ou un art plus réflexif, visée à partir de laquelle l’ordre peut fluctuer ? Ces univers apparemment expansés où chacun s’exprime aussi personnellement ne transforment-ils pas les cadres de leurs œuvres en frontières intimes ?
Cendres Lavy crée des images dont sa culture à la fois littéraire et philosophique ne fait pas mystère. Son usage des moyens plastiques est calibré au plus juste, notamment la matière de ses supports textiles, principes de réduction dont elle s’évertue à épaissir les sous-entendus naturels. On fait le lien avec les expériences visuelles d’Antonin Artaud ou l’intimité des graffitis. Il pourrait aussi s’agir de Georges Bataille et Lautréamont…
Benjamin Bruneau vise la sidération des spectateurs confrontés à des univers bizarres qu’il sait être d’autant plus vrais qu’ils sont ouvertement imaginaires. Comme un surplomb annonciateur, un tableau intitulé « La chambre » semble à la fois associer son lieu éponyme et l’atelier de l’artiste avec ses dérives et ses attentes. L’artiste s’y représente œuvrant en creux à ses propres égarements visionnaires.
En quoi les univers de questionnements de ces deux artistes, pour l’un psychologique et philosophique, et pour l’autre plus directement artistique sont-ils pertinents ? Faut-il les considérer ensemble ou séparément pour évaluer les qualités formelles des productions ? Plus encore, ces interrogations sont-elles susceptibles de nourrir le jugement sensible ? Et de permettre au spectateur de fonder équitablement ses appréciations ?
S’il n’est pas question de normaliser l’expression onirique, versus les œuvres portées par le paradigme du rêve, on peut tout de même tenter une approche curieuse de raisons qui poussent ces artistes à choisir de dériver du visible vers le nocturne. Voire tenter de confronter la singularité de leur pratique et toutes choses qui rendent leurs œuvres si évidemment réalistes, mais aussi si évidemment confuses qu’imaginaires.
Et on devine à regarder leurs œuvres que Cendres Lavy et Benjamin Bruneau réfléchissent à cette altérité à travers la dialectique de la fabrication et de la réalisation du contenu et de l’aspect de l’œuvre. De sorte qu’entre illustration et narration, hallucinations psychiques et cénesthésiques, hallucinations de l’ouïe, de la vue du goût ou du toucher, chaque vision risque sa perception pour fonder son contenu plastique sur ses enchaînements créateurs.
Restent pour Cendres Lavy et Benjamin Bruneau des œuvres sur toiles, tissus et papier, des dessins et des images à la charge émotionnelle intense. Que ce soit par leur matière ou leur format, chaque œuvre incarne sa construction subjective d’invention et d’expression visuelle en mobilisant l’imaginaire comme un propulseur. Dès lors, les sens des mots se voient comme ils s’étendent, le choix de l’onirisme entre en perspective.
Les œuvres s’imposent sans que leurs sources s’interposent, faisant qu’on rêve en plein jour tout en se sachant protégé par la frontalité de l’intimité de façade et de principe des œuvres exposées. D’image en image, Cendres Lavy exporte son altérité féminine en jouant sur tous les registres de l’allusif où le rêve s’expose en conscience. Benjamin Bruneau bricole des situations énigmatiques où il peut plonger corps et âme.
De l’un à l’autre, rien de commun si ce n’est un goût avéré pour la réflexion sur l’envie d’images, le désir de convoyer avec la pratique artistique toutes sortes de possibilités d’exprimer son propre désir de mondes autres. L’une travaille sur son identité par le fantasme, l’autre œuvre à la recomposition de son univers de références. Peut-être recréent-ils ensemble et distinctement ce moment étrange et partagé de choisir de peindre.
Alain Bouaziz, août 2012
APONIA
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