Plutôt qu'être exclusivement associé à des édifices, le titre "Urbanité" voulu pour cette exposition a été allusivement mêlé à celui d'humanité. Il se trouve que les deux concepts ont un nombre de lettres identique. Et comme si cette coincidence ne suffisait pas,il se trouve aussi que sociologiquement l'un et l'autre se complètent jusqu'à évoquer formellement presque tout l'urbanisme. Echo supplémentaire : "Urbanité" fait penser à des valeurs individuelles plus morales et tactiques que formelles.Devenu substantif, le terme résonne, à ce niveau plus poétique, de paysages et d‚univers qui, en s'incarnant dans des mises en scène singulières renvoient à des itinéraires individuels. Tous rompus à de solides formations artistiques, les six jeunes artistes regroupés par Aponia pour cette première exposition sur le thème Urbanité reflètent chacun à sa façon les parallélismes ou les croisements auxquels on songe.
Armand Lestard pense plastiquement le lien de l'urbanité avec l'humanité en tentant de détailler point par point l'humanisme de la maison. Après quelques essais sur le thème de la rue et du village, c'est cette fois à la reconstruction onirique de "la Maison-mère".
Pierrick Mouton retient de l'urbanité d'insaisissables impressions de "déjà-vécu". Il superpose les voyages dans un gigantesque palimpseste sensible. Semblant l'accompagner dans son déplacement, nous suivons ses occasions de voir derrière la même vitre que lui. Graveur de formation, les creux dont il a appris à développer plastiquement les mirages d'images donnent l'occasion de transmuer sa mise en scène en traces d'air ambiant, autrement dit, de percevoir par transfert les éléments d'un témoignage humain ininterrompu. C'est ainsi qu'entre chaque vue circulent des regards confrontés et que se profilent des paysages incarnés et autant d'invitations à visiter leur contrées. Nous sommes sur cet autre versant où l'urbanité métabolisée dans une durée devenue humaine se confond avec des sentiments d'indéfinissables présences.
Khalida Boughriet, profondément engagée, sa production plastique est essentiellement photographique, et dans son paradigme narratif, c'est à un photojournalisme allusif que nous sommes d'abord confrontés.
Dépassées par leurs sujets, les images révèlent cependant par leur composition des points de vue plus plastiques que des instants volés. On devine alors un travail poïétique sur les notions spécifiques d'écrans et par là même, une mobilisation sémiotique du cadre transformé en paravent. Partant, ces êtres vus de dos, auxquels on a demandé de se placer "naturellement" ont valeur d'épicentre dans un univers qu'accuse la tragique disposition des murs et des grillages se superposant plus ou moins entre eux.
Pendant que chaque personnage découpe une silhouette anonyme, les références photographiques s'estompent jusqu'à devenir évanescentes. Dès lors, prise entre ses cadrages, la représentation sourde de rumeurs de discriminations. On s'émeut alors des forces esthétiques avec lesquelles Khadida Boughriet s'entend plastiquement, celles où Beaudelaire voyait dans la photographie une " beauté " autant moderne que critique... La mosaïque des oeuvres qu'elle a disposée déploie les forces d'un pictorialisme renouvelé dont la puissance exprime un engagement artistique cohérent avec son humanité de son auteur.
Au départ sculpteur, Baptiste Debombourg pratique et entremêle l'installation, l'oeuvre in situ et la performance.
Il est de fait impossible de savoir l'allure qu'aura le travail spécifique qu'il souhaite présenter pour Aponia. Ses travaux antérieurs donnent toutefois quelques indications. Debombourg retourne les conventions des genres qu'il pratique, il fait graviter l'environnement ou le site de ses installations autour de ses oeuvres et non l'inverse. On est chaque fois convié à un renversement de sens de type fondforme, extérieur-intérieur, vide et plein qui par métaphore incite à chercher le sens à partir d'un non-sens. Baptiste Debombourg semble vouloir contemporanéiser presque définitivement la thématique des "Attitudes devenant formes" également chère aux tenants d'un art onthologique.
L'urbanité à laquelle se réfère Anne Wassila Bellanger procède d'un humanisme encore différent. Bien qu'elles soient toutes géométriques, chacune de ses compositions plastiques comportent des finesses chromatiques qui accusent leur apparence visuelle, ce qui vaut à cette simplicité régulièrement reprise de nous rappeler le genre du portrait d'acteurs de kabuki, rendu célèbre par les peintres Kitagawa Utamaro ou Harunobu pendant l'Ukiyo-ye. En sorte qu'à partir d'une approche toujours modeste, c'est davantage la sensibilité de sujets plus vivants que celle de machines qui émeut. Recentrée sur des valeurs sensualistes, l'artiste semble vouloir réagir dans chaque oeuvre à un fantasme de perdition compréhensible.
Dans l'entre-deux, la sensibilité de l'artiste place chaque acteur face à son inaltérable origine humaine...
Julien Coignet préfère l'exploration esthétique et plastique d'itinéraires inédits en récupérant et en imbriquant toutes les cartes possibles. Il a ainsi multiplié les représentations de mondes terrestres visibles comme des ciels, créé des installations et des chemins imaginaires d'après des cartes sans égal,il a inventé des concepts de territoires presque plus vrais que nature. A partir du moment où la puissance informatique de Google Earth dissout virtuellemment l'étendue de nos microcosmes, la mise en pièce esthétique à laquelle se prête Julien Coignet nous restitue avec discrétion nos désirs d'intimité".
Alain Bouaziz, 2007
APONIA
67, rue Saint Pierre
43150 Le Monastier sur Gazeille
06 20 49 36 90
Contact : aponia@wanadoo.fr
www.aponia.fr
Vendredi, samedi et dimanche de 15h à 18h (en Période d'exposition)
Sur RDV pour les groupes scolaires également les autres jours
L'église Saint Jean et le 67, rue Saint Pierre sont accessibles
aux personnes à mobilité réduite
Entrée libre et gratuite