La pensée de l'ornithorynque
Véronique Boudier, Damien Cabanes, Chloé Silbano. Ces trois voyageurs-chercheurs exposent à la campagne, dans ce lointain village de Villiers-sur-Marne. A 15’ des Halles, ce n’est pas rien pour un parisien.
Véronique Boudier présente : « La Dame de Florès », un film réalisé à l’étranger, étrange. Une femme chante dans un village, sans musique, isolée dans son rêve. Véronique Boudier voit là quelque chose de beau, de touchant. Elle l’enregistre alors que nous aurions sans doute détourné le regard de cette perdition sans fard, ce chant joliment fou venu des profondeurs d’un corps. Les autres œuvres disséminées dans l’exposition proviennent d’un ensemble de créations intitulé : « Les dessins questionnants, les sculptures émergentes » et « Les animaux qui s’aiment ». Pour celles-ci Véronique Boudier confronte toutes sortes de matières hétéroclites et met en lien quelques formes extraites de la nature. Elle crée des trésors d’arrangements incongrus qui donnent à ces pièces un éclairage poétique et spatial, comme un nouveau monde. C’est un appel à transformer nos relations à la diversité du vivant.
Damien Cabanes présente des poules qui caquettent sur un long rouleau de 10 mètres. Ce ne sont point des poules de batterie, mais des poules à l’air libre, volantes et trébuchantes, heureuses il semblerait tant elles se penchent, se courbent se démènent pour trouver vers à leurs becs. Ce n’est pas le genre de peinture que l’on réalise d’après photo, la photo fige.
Là, elles s’en donnent à cœur joie, on sent l’odeur de la poule ivre de vie. C’est une œuvre réalisée sur le motif, à l’ancienne et à l’oeil. Voir, écouter, sentir, c’est plus que de la peinture, c’est presque du cinéma car si l’on suit l’œuvre en marchant vite, on peut la percevoir en 24 images seconde. Après avoir quitté ces poules radieuses et colorées, on entend encore le léger battement de leurs ailes sur l’herbe sèche.
Chloé Silbano s’intéresse aux liens qui se font et se défont. Sur une photographie : de la viande sur une assiette posée sur du carrelage. L’éponge est d’un rouge si rouge qu’elle semble inflammable. Une paire de jambes perdues se détache d’un corps invisible : « quelque chose à céder » est le titre de l’oeuvre.
Dessin, performance, vidéo, photo : documenter la vie hors sol, spirituel et symbolique, mais rattachée à l’humain avec ses besoins, ses exigences, ses nécessités. Lors d’une performance intitulée : « Cloison », son bras dépasse, traverse un objet rond en résine, collé à une plaque tenue à bout de bras qu’elle frotte au mur. Fine distance entre deux mondes, le sien et l’autre, entre la vie et la non-vie. Chloé Silbano expérimente les contraintes relationnelles et sociales de la manière la plus exigeante et la plus honnête, comme un idéal.
De ces artistes à la campagne, un point essentiel les rassemble : l’essence des êtres, leurs combustions profondes, ce qui les anime et les brûle de l’intérieur. Particulièrement ceux qu’on ne voit pas, les sans panache, les réprouvés des salons. C’est une archéologie du sensible, de ce qu’on ne se souvient pas avoir vu et qui reste inoubliable.
Laurent Quénéhen
APONIA
67, rue Saint Pierre
43150 Le Monastier sur Gazeille
06 20 49 36 90
Contact : aponia@wanadoo.fr
www.aponia.fr
Vendredi, samedi et dimanche de 15h à 18h (en Période d'exposition)
Sur RDV pour les groupes scolaires également les autres jours
L'église Saint Jean et le 67, rue Saint Pierre sont accessibles
aux personnes à mobilité réduite
Entrée libre et gratuite